jeudi 25 septembre 2014

L'obésité en images: quel message veut-on faire passer?

L’obésité fait l’objet d’un récent combat contre les préjugés. L'obésité est qualifiée d'épidémique et on reconnait ses facteurs environnementaux et sociaux; pourtant on considère toujours les personnes obèses comme étant responsables de leur condition. Ok, ok... un IMC (indice de masse corporelle) élevé est causé par un déséquilibre énergétique, c'est-à-dire manger trop de calories et ne pas dépenser assez d'énergie en bougeant, et personne ne force qui que ce soit à manger et à être sédentaire. Néanmoins, je vais faire confiance en votre intelligence et m'abstenir de faire un cours sur les facteurs environnementaux et sociaux de la nutrition et de l'activité physique.

Maintenant qu'on a posé l'argument que les personnes obèses ne peuvent pas être blâmées pour leur condition, pourquoi voit-on presque exclusivement des images de personnes obèses, sans visage, dans des positions disgracieuses, voire en train de manger? Ou bien des images montrant leur poids comme un problème de santé?
1- Les personnes obèses sont des êtres humains, ils ont droit à un visage.
2- Bon ok... l'excès de poids n'est pas très gracieux. Mais je ne dis pas qu'on ne peut pas être joli et obèse, hein!
3- Les personnes obèses ne sont pas toujours en train de manger!
4- L'obésité en soi n'est pas le problème de santé, c'est ce qu'elle entraine.

Comme solution à ce problème, le réseau canadien en l'obésité propose aux médias une banque d'images non stéréotypées de personnes obèses ici. Ces images montrent en effet des personnes obèses, plutôt jolies, menant une vie normale et heureuse. Cependant, quelque chose me chicote. Cela fait un bout de temps que je connais cette banque d'images, mais je n'ai jamais su identifier ce qui me dérangeait jusqu'à aujourd'hui... Ces photos ne sont d'aucun intérêt pour parler de l'obésité.

Si on fait un reportage sur une ou des personnes obèses pour montrer qu'on peut mener une vie normale, le journaliste va prendre une photo d'une des personnes en question. Ensuite, si l'article porte sur la cause, les conséquences ou l'étendue des cas d'obésité... on ne va pas mettre la photo d'une personne qui gambade dans un parc mais plutôt quelque chose qui évoque le sujet directement.

Voici des suggestions:
Causes de l'obésité: urbanisme et industrie alimentaire, plus concrètement qu'on doive prendre la voiture pour acheter des produits qui ne sont même pas particulièrement frais.
Photo appropriée: des personnes qui sortent de leur voiture pour aller dans une épicerie genre bunker.
Photo non stéréotypée mais inappropriée au sujet: une personne obèse faisant du vélo pour aller au marché public.

Conséquences de l'obésité: diabète et mauvaises articulations.
Photo appropriée: Une personne obèse qui doit prendre de l'insuline (je ne saurais pas montrer simplement des problèmes d'articulation).
Photo non stéréotypée mais inappropriée au sujet: une personne obèse qui fait de l'exercice.

La banque de photos du réseau canadien en l'obésité est certainement une bonne stratégie pour réduire les préjugés sur l'obésité mais encore faudrait-il leur trouver une place. Si on n'écrit pas un article sur l'obésité, je ne vois pas comment on serait amené à regarder cette banque de photo et la presse va aborder l'obésité comme un problème plus souvent qu'autrement. Comme quoi il faut encore repenser l’image que l’on a de cette condition de plus en plus répandue dans la société nord-américaine.
Géraldine vous dit coucou.
Crédit Photo: Canadian Obesity Network

lundi 26 mai 2014

Parle-nous de tes exploits, c'est pour ton bien.

On s'est vite fait déranger par les photos de ventres bien musclés sur les médias sociaux (oui, je parle des douchbag). Par contre, on n'est pas dérangé par ceux qui photographient leurs œuvres culinaires, leurs œuvres de peinture, leurs défis sportifs ou bien même leurs nouvelles chaussures. Bien que toutes ces activités soient différentes, je les mets dans le même panier: le besoin de confirmation.
(Attention, je ne dis pas qu'on cherche l'approbation des autres, mais que parler de ce qu'on aime peut être doublement à son avantage.)
Ceux qui connaissent les théories de la diffusion des innovations savent de quoi je parle: adopter une innovation est un long processus en plusieurs étapes, dont la dernière est la confirmation que la nouvelle acquisition est une bonne idée. Cette acquisition ne se limite cependant pas à une technologie, cela s'applique aussi à des activités ou des comportements: *click-click* [photo sur Facebook] "Check comment mon repas a l'air bon et super santé!" Dans une perspective de promotion de la santé, la confirmation est d'autant plus importante que les comportements désirables sont à maintenir.

Encore mieux que des photos de salades bien décorées ou d'un visage épuisé mais heureux devant la banderole du triathlon de Pétaouchnoque, certaines applications se spécialisent dans... l'affichage de ses performances. Par exemple, Runkeeper (app pour téléphone intelligent) enregistre l'intensité du mouvement du corps sur une certaine durée et l'associe à un trajet sur une carte (c-à-d qu'elle sert d'accéléromètre et de GPS). Ensuite, libre à vous de partager votre performance et trajet sportif sur les médias sociaux.

Bien évidemment, des comportements INdésirables peuvent aussi être confirmés. Le phénomène d'intimidation à l'école et son extension dans les médias sociaux en est la preuve: une méchanceté dite sur Facebook et des copains de l'école qui approuvent. Dans le cas de l'intimation, il est particulièrement évident que les commentaires approbateurs des copains ne sont pas qu'une confirmation, mais aussi le développement d'un réseau social autour d'un comportement particulier. Il en va de même pour l'anorexie par exemple: des sites web pro-anorexie accueillent des forums de discussion de soutien. Car après tout, quand on cherche à entendre la réaction d'autrui ou leur opinion, on s'adresse à ceux qui vont nous dire ce qu'on a envie d'entendre...

Donc au final, si tu as un bon réseau, autant en profiter. Si tu n'as pas un bon réseau, c'est que quelque chose ne va pas, mais ça tu ne t'en rends probablement pas compte puisque tes pairs approuvent ce que tu fais.

lundi 12 mai 2014

Santé et civisme

Les praticiens en promotion de la santé et les travailleurs en communication, par le titre même de leurs emplois, pourraient aisément collaborer... mais non. Non, non, non. Les communications ne voient pas toutes les dimensions de la promotion de la santé, et la promotion de santé perçoit les communications comme un outil pour une diffusion de masse. Autrement dit, les acteurs de ces deux domaines ne sont pas capables de collaborer efficacement, c'est-à-dire de combiner leurs meilleures stratégies.

prise de meltwater.com
La communication promotionnelle de la santé ne peut pas se contenter de spots TV ni de dépliants dans les salles d'attente. Je suis donc toujours enthousiaste de découvrir un projet combinant les meilleures pratiques des deux domaines. C'est au Sommet de Génération d'idées, qui a eu lieu les 3 et 4 mai à la SAT, que je me suis récemment enthousiasmée pour plateformes web d'engagement citoyen comme celles créées par Nord Ouvert. Les ouvrages de cette compagnie améliorent l’accès à l’information gouvernementale pour M. Tout-le-Monde et facilite sa participation dans les projets menés par ses représentants élus.

"Où est le rapport avec la santé?" me direz-vous. "La santé est partout" vous répondrai-je, "mais prend surtout effet lorsque les individus et leur communauté prennent la responsabilité de leurs issues". Petit explicatif pour tous: quand un individu ou toute sa communauté se met à prendre le contrôle de sa vie, il se passe tout plein de bonnes choses comme un meilleur sentiment de soi-même, une acquisition de savoirs utiles, et un développement de services.

Ce genre de plateforme web a pour but premier l'engagement citoyen, mais j'y vis une façon innovatrice d'améliorer les déterminants de la santé à travers une exploitation en profondeur de la communication. Encore faudrait-il que quelqu'un quelque part voit l'intérêt d'un tel projet afin de le mettre en place en tant que projet de promotion de la santé.




vendredi 27 septembre 2013

Cordonnier bien chaussé, médecin bien soigné

Il y a près d'un an, un type me confiait sa conviction que tout psy(-chiatre/-chanalyste/-chothérapeute) avait l'obligation morale de se  psyquelquechoser lui-même afin de traiter ses patients tout en étant libre de ses... propres trucs. Bien que cette obsession du cordonnier bien chaussé me semblait ridicule, beaucoup d'arguments la soutiennent dans le cas des relations entre médecin et patient.
Les médecins obèses évoquent moins l'obésité comme un problème de santé ou diagnostiquent moins leurs patients comme obèses. Les médecins fumeurs ont plus de patients fumeurs. Ceux aux habitudes saines motivent mieux leurs patients à changer leurs habitudes. Un médecin n'est pas nécessairement un modèle, et les patients sont plutôt autonomes (voir ceci). Néanmoins, un médecin est certainement une référence pour définir la bonne santé ou un bon comportement de santé, et la crédibilité semble être une clé pour une relation efficace entre médecin et patient. Ainsi, en plus d'avoir une pratique biaisée s'ils sous-estiment les risques de leurs propres états, l'efficacité des conseils du médecin peut en être affectée.
La pratique de la communication de la santé n'inclut pas que des communicateurs professionnels. Rien ne garantit les compétences en communication des médecins ni que ces derniers comprennent pleinement l'importance de leur image.

mardi 18 juin 2013

Retour sur la conférence sur la santé publique au Canada

En faisant un petit tour des présentations (orales et par affiche) et des kiosques d'entreprises en santé publique lors de la conférence de l'ACSP, je me suis aperçue que la conception des communications ne correspondait pas toujours à ce que j'avais appris sur les bancs d'école.
Les praticiens avaient la volonté de produire les meilleures stratégies possibles afin de servir la cause de la santé et de la population, et les chercheurs tentaient de cibler les aspects cruciaux des communications qui pouvaient affecter la santé publique. Les praticiens et chercheurs ont présenté des travaux de qualité et des évidences permettant des pratiques efficaces.
Malgré cela, certains ne voyaient des communications que le canal (i.e. par là où passe le message) ou ne pensaient qu'aux communications faites par l'entreprise destinées au public (pour employer les grands mots: communications organisationnelles externes unidirectionnelles). D'autres organismes cependant comprenaient l'interactivité des nouveaux médias et l'intégraient dans leurs pratiques globales afin de vraiment faire partie de leurs communautés et mieux les servir. Des études sur les médias et des opérations de promotion reconnaissent aussi l'indépendance des récepteurs d'information et leur liberté d'interprétation.
Néanmoins, aucun projet, que ce soit de promotion ou de recherche, ne démontrait une vision conceptuelle de la communication. J'oserais dire qu'ils étaient témoins d'une pratique générale qui manque de réflexion sur tout le sens des communications. Par exemple, dans aucune discussion que j'ai pu y avoir n'a émergé l'idée de jouer sur les représentations de la santé dans les médias de divertissement. Une vision plus globale permettrait des pratiques plus innovatrices.

J'espère pouvoir bientôt montrer un article plus approfondi grâce à ma collaboration avec mon amie C.D. Bergeron!

vendredi 26 avril 2013

Après nous avoir vendu du rêve, Coca-Cola espère qu'on n'ait plus les pieds sur terre

La nouvelle campagne internationale de Coca-Cola est sortie ces derniers jours au Canada. L'entreprise géante n'essaie plus de nous vendre du rêve, mais de la santé. Cette nouvelle campagne de sensibilisation à l'obésité semble séduire quelques citoyens... "Il ne faut pas toujours condamner les entreprises! Il faut que les gens soient responsables d'eux-mêmes. Personne ne les force à consommer ces boissons." répondent-ils approximativement aux critiques.

Les opinions individuelles sont facilement explicables par leurs sources d'information. Les nouvelles télévisées de CBC présentent clairement que Coca-Cola essaie de leurrer le public, alors que La Presse et The Globe and Mail présentent de nombreux défendeurs de la campagne sans pondérer leurs arguments par leurs provenances, et rapportent partiellement les pourfendeurs, ce qui leur donne une apparence de bornés, voire de roquets. Le Devoir et le Toronto Star quant à eux n'en parlent pas.

Si on veut commenter le contenu de l'information, on peut critiquer les médias, mais il ne faut pas négliger les sources d'information des journalistes eux-mêmes. Certains organismes citoyens, tels que ceux qui luttent contre l'obésité, ont le devoir de publier des communiqués de presse en l'occurrence. Coalition poids a accompli sa mission; son communiqué rappelle des règles de base en nutrition et les effets pervers des campagnes de promotion de la santé faites par des entreprises ayant une part de responsabilité majeure dans le problème. Les méfaits du faux marketing social sont d'ailleurs prouvés.

Malgré la pertinence du communiqué, ce dernier ne mérite pas de A+: une bonne communication prévoit la réaction du récepteur, et je ne pense pas que la réutilisation du communiqué par La Presse ait été bien prévue. Bien évidemment, si un journaliste veut discréditer un organisme comme étant "conspirationniste", il le fera, mais on peut toujours essayer de lui en donner la chance le moins possible. Ainsi, le communiqué aurait dû comporter un discours plus objectif et éviter des expressions telles que "se donner bonne conscience" ou "offensive de propagande pour s’acheter une bonne image" (bien que je pense personnellement la même chose). Les porte-parole doivent aussi suivre cette ligne puisque les propos rapportés dans l'article de la Presse laissent croire que Coalition poids nie le manque d'activité physique comme cause cruciale de l'obésité, alors que le communiqué admet justement l'importance de l'activité physique dans la gestion du poids.

Enfin, pour ce qui est des organismes qui promeuvent l'activité physique, il est compréhensible qu'ils ne critiquent pas cette campagne: Coca-Cola est leur vache à lait... Ensuite, que Diabète Québec accepte le financement de Coca-Cola est une chose (pour laquelle je n'ai pas trop de problème), mais que l'organisme soit aussi naïf face à la nouvelle campagne en est une autre:
Serge Langlois, président de Diabète Québec, n'y voit pas de contradiction. «C'est une subvention sans restrictions, a-t-il fait valoir. Coca-Cola vend aussi du jus, de l'eau. On est toujours en train de leur taper sur la tête, mais quand ils font quelque chose de bénéfique, on devrait dire bravo.» (Pris d'ici)
Le problème est justement que la publicité associée à cette opération de commandite ne présente que très peu ses eaux et ses jus. La publicité, qui se veut une amélioration de l'image de l'entreprise, ne présente même pas l'entreprise en tant que telle. Elle ne présente surtout que LE Coke: son produit classique.


Une image pour la forme:

vendredi 1 juillet 2011

La santé et les sites dits commerciaux

Dans le monde instable du Web, tout change et se croise, et le contenu est impossible à contrôler comme à mesurer. Cette impossibilité est un obstacle majeur à la garantie de confiance du contenu qui est cependant nécessaire pour les sites de santé.

Il existe depuis les débuts d'Internet une charte de certification de confiance de l'information sur les sites de santé : le HONcode, provenant de HON (Health on the Net). HON n'est pas le seul organisme à fournir ce genre de certification. URAC (Utilization Review Accreditation Commission), un promoteur américain de la qualité en soin de santé, naît à la même époque que HON. Les deux organismes sont reconnus par les États (pas seulement les Unis). Par exemple, la France délègue à HON la responsabilité de certifier la qualité des sites. La principale différence entre HON et URAC est leur étendue d'action : URAC est une organisation américaine alors que HON est internationale et a donc un potentiel d'action plus grand.

Ce dernier semble avoir à cœur l'accessibilité. En effet, les internautes peuvent facilement constater la garantie par la présence du logo HON sur la page d'accueil et les propriétaires des sites ont accès à la certification gratuitement. 

Les critères du HONcode ont entre autres la fonction de faire la distinction entre l'information commerciale et la scientifique. Néanmoins, à cause de toutes les relations d'affaires derrière un site, l'origine réelle de l'information demeure obscure. À quel point le HONcode peut-il identifier l'auteur, le propriétaire et le commanditaire du site? Le HONcode trouve ses contestataires par cette lacune.

Dès qu'on parle de santé et d'Internet, on cherche à discuter des sites scientifiques par opposition aux sites commerciaux... Mais où est la frontière entre les deux? Comme il a été dit précédemment, il y a trois producteurs derrière un site de contenu : l'auteur, le propriétaire et le commanditaire. Chaque producteur peut se composer d'une ou plusieurs unités (que ce soit des individus ou des organisations). Pour mesurer la commercialité et la neutralité d'un site, faudrait-il comprendre les objectifs de chacun et les relations de pouvoir entre les unités productrices? Et encore, comment mesure-t-on le pouvoir? De grosses questions qui méritent un autre article...